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13 novembre 2017

Pinocchio

 

 

 

 

 

Pinocchio est le deuxième long-métrage d'animation et "classique d'animation" des studios Disney, sorti en 1940 et inspiré du conte de Carlo Collodi, Avventure di Pinocchio, storia di un burattino (1881).

 

Avec ce nouveau long-métrage d'animation, Disney espérait renouveler le succès de Blanche-Neige et les sept nain (1937) mais la Seconde guerre mondiale ne permit pas d'atteindre le résultat escompté. De plus, Walt Disney était à la même époque sur un projet plus ambitieux, Fantasia (1940). Le film constitue une prouesse significative dans les techniques d'animations, et il est souvent considéré comme le chef-d'œuvre ultime de Disney. Il comporte malgré tout une part beaucoup plus sombre que les autres classiques de Disney.

 

Résumé

Dans un petit village, l'inventeur Gepetto vient de construire sa dernière marionette qu'il baptise "Pinocchio". Ce vieil homme qui n'a jamais eu d'enfant fait alors le voeu que Pinocchio se transforme en réel petit garçon. La fée bleue accomplit son souhait, donnant vie à la sculpture de bois. Mais la marionette ne se transformera complètement qu'une fois qu'elle aura prouver son mérite. Jiminy Cricket sera sa conscience, tâche qui s'avérera plus compliquée que prévu car Pinocchio s'embarque dans de périlleuses aventures...

 

Chansons du film

  • Quand on prie la bonne étoile (When You Wish Upon a Star) - Jiminy Cricket, Chœur
  • Un pantin de bois (Little Wooden Head) - Geppetto
  • Sifflez vite, vite ! (Give a Little Whistle) - Jiminy Cricket, Pinocchio
  • La Vie d'artiste (Hi-Diddle-Dee-Dee) - Pinocchio, Grand Coquin
  • Sans aucun lien (I've Got No Strings) - Pinocchio
  • La Vie d'artiste (Hi-Diddle-Dee-Dee) (reprise) - Grand Coquin
  • Quand on prie la bonne étoile (reprise) - Chœur

Chansons non utilisées

  • I'm a Happy-Go-Lucky Fellow (« Je suis un garçon insouciant ») - Jiminy Cricket. Cette chanson a été réemployée dans Coquin de Printemps en 1947
  • As I Saying to the Duchess (« Comme je disais à la Duchesse ») - Grand Coquin
  • Three Cheers for Anything (« Trois acclamations pour n'importe quoi ») - Crapule et Pinocchio

Source

L'histoire de Pinocchio avait déjà été adaptée en long métrage d'animation en 1936 en Italie sous le titre Le avventure di Pinocchio. Une version théâtrale de Yasha Frank avait également été présentée dès juin 1937 à Los Angeles, bien que le texte n'ait été publié qu'en avril 1939. Dans cette adaptation, Pinocchio devient un innocent incapable de réaliser le moindre méfait.

 

L'idée d'utiliser le conte de Collodi pour réaliser un long métrage d'animation semble avoir été suggérée à Disney, au contraire de Blanche-Neige. Dans une lettre du 8 avril 1935 à Walt Disney, Mme K. Evers, une amie de la famille, suggère l'utilisation de l'histoire de Pinocchio comme film, mais pas encore un long métrage. Le 4 juillet de la même année, le journaliste et auteur italien Joseph-Marie Lo Laca se réjouit, dans une lettre aussi adressée à Disney, à l'idée d'une adaptation en film d'animation du conte de Pinocchio. Disney rencontre Luca durant l'été 1935 à l'occasion d'un voyage en Europe pour récupérer des sources d'inspiration pour ses films dont Blanche-Neige.

 

Afin de réaliser son adaptation du conte de Collodi, Disney s'est procuré plusieurs versions et traductions de l'œuvre et a même demandé à l'une des employées du service des histoires, Bianca Majolie, de réaliser sa propre traduction.

 

Sortie au cinéma et accueil du public

Pinocchio est souvent considéré comme l'un des chefs-d'œuvre du studio Disney et « comme une très belle adaptation du roman de Collodi » mais son succès en salle et les revenus qu'il a apportés au studio Disney sont faibles, principalement en raison de l'actualité internationale, la Seconde Guerre mondiale ayant été déclarée quelques mois plus tôt.

 

Analyse du film

Au-delà de la comparaison avec le conte de Collodi et ses autres adaptations (tous formats confondus), de nombreux auteurs commentent l'usage de références populaires et l'atmosphère particulière du film.

 

Si Jean-Claude Beaune et J. Azéma associent le Pinocchio de Disney à l'imagerie populaire des contes et légendes où des lutins « peuplent notre tête pour commander nos pensées et comportements » et « où les forces du bien et du mal s'affrontent pour prendre les commandes de nos pensées et comportements », Robin Allan tente de décrypter la raison du faible succès initial de Pinocchio au travers des sources et de leurs utilisations, rejetant une part des problèmes sur l'œuvre originale qui, par sa nature de feuilleton, propose une histoire à la « qualité picaresque », longue et épisodique nécessitant de nombreuses modifications. Le critique cinématographique Leonard Maltin et Christopher Finch utilisent, eux, leur ressenti. Tous les trois s'accordent sur le côté très « sombre » du film.

 

Différences entre le conte et le film

John Grant déclare que « toute distorsion de l'histoire originale de Collodi est une bonne chose car elle est immensément longue, moralement incertaine et exceptionnellement ennuyeuse ». Par souci d'équité, il cite plusieurs opposants dont Frances Clark Sayers, « chef de file anti-Disney et autorité américaine de la littérature pour enfant » qui critique Disney sur le fait « d'avoir tout étiqueté, ne laissant rien à l'imagination » ou la journaliste Wanda Burgan qui se plaint dans Punch en 1962 d'avoir vu « des petits visages doux devenir de pierre lorsqu'elle leur a lu des auteurs tels que J.M Barrie, Collodi ou Salten, ceux-ci réalisant que Disney n'était pas l'auteur de Peter Pan, Pinocchio ou Bambi ». Pour comprendre ses divergences, il faut évoquer ce qu'est l'œuvre initiale.

 

Un conte original ancré dans le XIXe siècle

Conformément à l'esprit du XIXe siècle, le conte de Collodi est une fable didactique destinée à préparer l'enfant à intégrer le monde des adultes en le mettant en garde sur le sort réservé à ceux qui refusent de s'y conformer.

Le personnage de Pinocchio est plus proche du jeune délinquant ou du voyou que du pantin naïf ou comme l'écrit Charles Salomon « rude, destructeur et complètement désagréable ». Il n'hésite pas à tuer le criquet d'un coup de marteau ou à dire à la Fée bleue qu'il refuse de travailler car cela le fatigue. Ce à quoi la Fée lui répond : « Mon enfant, ceux qui parlent ainsi finissent toujours en prison ou à l'hôpital. Malheur à ceux qui mènent une existence paresseuse. La Paresse est une maladie mortelle qui doit être éradiquée dès l'enfance. ».

 

À l'époque victorienne, l'enfant était considéré comme un être « non civilisé » et en proie au « démon » ; d'où les thèmes récurrents de la peur de l'enfer et du châtiment éternel dans la littérature enfantine de cette période. Collodi décrit avec une certaine délectation cette période d'anarchie, particulièrement prononcée chez les garçons, où la cruauté et les comportements émotionnels incontrôlés ont libre cours. D'autres scènes mêlent sadisme et morbidité, tout comme le faisaient en leur temps les contes de Perrault et des frères Grimm. Ainsi lorsque le Renard et le Chat tentent — en vain — de pendre Pinocchio : « Au bout de trois heures, les yeux du pantin étaient toujours grands ouverts, sa bouche close, et il se débattait de plus belle. ».

 

Comme il a été vu ci-dessus, les premières traductions et adaptations ont rapidement altéré l'histoire de Collodi. Yasha Frank et les adaptateurs ultérieurs ont considérablement atténué — voire supprimé — cette dimension du conte, jugée inadapté au public du XXe siècle. La version de Disney amplifie cela car, pour Grant, « la tâche de Disney n'était pas de représenter le conte de Collodi dans son intégralité sur l'écran mais d'en distiller assez de bonnes aventures pour en faire une histoire simple et satisfaisante ».

 

Une adaptation "Disney"

Selon Marie-Claire de Coninck, le film « appuie sur le côté moralisateur alors que le conte enfouit la sagesse dans ses pages ou donne une morale à la fin du récit ». Ainsi, « le grillon est devenu la conscience du pantin alors que Collodi n'attribue pas une conscience qui le taraude à son pantin fugueur et menteur ». Pour Jean Gili, Disney conserve « le moralisme et l'esprit conservateur » de Collodi, ce que ne font pas d'autres adaptations comme celles de Steve Barron (1996) ou de Luigi Commencini (1972) qui « renouvelle complètement les significations originelles » de l'œuvre de Collodi. Salomon déclare lui que les artistes Disney n'hésitent pas à transformer les personnages méchants en des personnages agréables, à l'instar de Pinocchio.

 

Pour Richard Wunderlich et Thomas J. Morrissey, l'adaptation de Disney, malgré sa similitude avec celle de Yasha Frank, diffère de cette dernière par « l'éradication de la pauvreté » alors que la Grande Dépression touche encore fortement la population américaine. Geppetto est beaucoup plus pauvre dans le conte de Collodi que dans le film de Disney : « Geppetto fait un habit pour Pinocchio avec du papier à fleur, un chapeau avec de la pâte à pain, des chaussures avec des écorces d'arbres et vend sa seule veste pour acheter un livre de lecture », inconvénient que le Geppetto de Disney ne semble pas avoir. Son travail semble aussi plus lucratif, il n'est pas qu'un simple charpentier ou sculpteur sur bois comme indiqué par plusieurs auteurs (Keith Paynter in The New Adventures Of Pinocchio en 1931 ou Robert Lewis Shayon en 1937), mais à l'instar d'Adams T. Rice, qui en fait le « charpentier le plus doué du royaume », Disney fait de Geppetto un concepteur et décorateur d'horloges et de boîtes à musiques.

 

Mark I. Pinsky souligne les nombreuses références à la religion dans l'adaptation de Disney : la petite voix de la conscience, Jiminy Criquet, évoque la « petit voix » de la Bible; la « Fée bleue est nimbée d'un halo et apparaît les bras légèrement écartés évoquant les apparitions de la Vierge Marie à Fatima ou à La Salette », de plus, les couleurs blanc et bleu utilisées pour le personnage sont celles traditionnellement associées à la Vierge.

 

Une autre différence importante entre le livre et le film est la localisation de l'histoire : alors que le livre est italien, à la fois par les évocations du soleil, des tempêtes et de l'humeur des protagonistes, le film est emprunt de germanisme dans les décors, l'architecture, les objets et les noms. Cet aspect allemand est dû à l'influence des artistes Albert Hurter et Gustaf Tenggren, mais aussi au fait que la voix originale de Geppeto soit celle de Christan Rub, expatrié allemand.

 

Judith Martin déclare que le personnage de Pinocchio a « reçu le traitement Disney et ressemble à un Mickey Mouse en plus pale et plus doux » mais Grant la contredit en déclarant que « Pinocchio n'a rien à voir avec Mickey » et doit être classé dans les personnages centraux qui subissent l'action, se rapprochant de Blanche-Neige et d'autres héros des films de Disney, même si à la fin du film il devient « acteur », en sauvant Geppetto.

Le Pays des jouets (Paese dei balocchi), qui n'apparaît que tardivement dans le livre de Collodi, occupe une place centrale dans l'histoire revue par les scénaristes du film, sous le nom d'Île au plaisir (Land of Toys).

 

Le nom de la baleine dans le film est Monstro, fusion du terme anglais « monster » et du nom original italien Mostro (qui signifie également « monstre ») ; Collodi définit le personnage comme un « terrible requin » (« il terribile pescecane »). Pour Collodi, l'animal est « plus large qu'un immeuble de cinq étages, long d'un kilomètre sans la queue, avec une gueule possédant trois rangées de dents et pouvant facilement accueillir un train », alors que la version de Disney est plus proche du grand cachalor, seul cétacé géant avec des dents et non pas des fanons. La raison pour laquelle Disney a transformé le terrifiant squale en un cétacé n'est pas certaine.

 

Le personnage de Stromboli, inspiré du Magiafuoco (en italien « mangeur de feu ») de Collodi, est lui pourvu par Disney d'une barbe plus courte mais d'un caractère plus méchant. Chez Collodi, il finit en effet par relâcher et embrasser Pinocchio.

 

Une version "américanisée

Plusieurs auteurs notent cependant que l'adaptation Disney comporte avant tout une profonde « américanisation ». Jack David Zipes déclare ainsi qu'« une approche historique des deux œuvres nécessite [l'étude de] l'histoire de Collodi et la manière dont Disney a américanisé Pinocchio ». Les marques de cette américanisation se remarquent à des détails comme l'épi dans les cheveux de Pinocchio, des éléments de décor comme la salle de billard, le spectacle de vaudeville, le langage de Jiminy Cricket ou les standards de beauté de la Fée bleue. Pour Jack David Zipes, même la voix et les manières de Pinocchio sont clairement plus américaines qu'européennes. Allan déclare que « Pinocchio est un jeune américain en costume bavarois inspiré par des dessins de pitres de la commedia dell'arte exécutés par Attilio Mussiono, l'un des illustrateurs du livre de Collodi » tandis que le « personnage de vagabond de Jiminy représente la quête d'identité d'un américain ».

 

Cette « relecture » a provoqué de nombreuses critiques lors de la sortie du film dont celles du neveu de Collodi, Paolo Lorenzini, qui demanda au ministère italien de la Culture d'engager un procès contre Disney pour avoir modifié l'œuvre de son oncle au point que Pinocchio « [pouvait] être facilement pris pour un américain ».

 

Solitude et recherche identitaire

Dans Disney and Europe, Allan considère que Pinocchio possède une complexité morale beaucoup plus riche que le film précédent de Disney, Blanche-Neige et les Sept Nains1. Alors que Blanche-Neige est victime d'une injustice qui la prive de sa position sociale, le thème principal dans Pinocchio est la recherche de l'identité pour trois des personnages principaux : Pinocchio recherche l'humanité, Geppetto la parentalité au travers d'un fils et Jiminy sa vocation professionnelle. Allan déclare aussi dans Il était une fois Walt Disney que « le thème du film est la perte, un père qui perd son fils et vice-versa ». Grant estime que Pinocchio est un « personnage qui se recherche lui-même », « trouvant son salut dans la prise de décision et l'agissement » mais note que Jiminy Cricket ne joue aucun rôle ou presque dans la transition. Pinocchio apprend — après de nombreuses aventures — que l'honnêteté est la meilleure règle de vie. Beck souligne cette dimension de quête initiatique, « périlleux voyage vers la responsabilité et la maturité », mais aussi « l'échec d'un tel voyage avec le désespoir, la terreur et la perte de confiance que provoquent une vie ruinée et la perte d'opportunité ».

 

Cette recherche est soulignée par la mise en lumière des personnages au centre de décors, au contraire souvent dans l'ombre : telle la rue lumineuse où marche Pinocchio, bordée de ruelles sombres, ou la torche que tient Geppetto dans la gueule de Monstro. Allan constate l'absence d'entourage de ces trois personnages, hormis quelques brefs passages avec des personnages secondaires. En comparaison avec Blanche-Neige, même si les deux lieux sont animés par des chants et des danses, le chalet des nains est beaucoup plus vivant (nains, animaux, etc.) que l'atelier de Geppetto, rempli principalement d'objets, avec seulement deux animaux et dont la seule présence féminine, en dehors du poisson Cléo, est une fée immatérielle.

Pinsky et Allan comparent Geppetto à un Jonas moderne, ce dernier reprenant à son compte l'étude de Paul Auster, L'Invention de la solitude. Pinocchio, lui, « parvient, partant du végétal et transgressant la morale pour régresser physiquement vers l'animal, à renverser la tendance pour atteindre l'humanité ». D'après Richard Wunderlich et Thomas Morrissey, Pinocchio est un « jeune nouveau-né, avec des yeux grands ouverts sur le monde et empli de curiosité », bon « envers tout le monde et sincère », « sans peur, sans répulsion, sans angoisse » mais « vulnérable de par son innocence et sa bonne nature », ce qui nécessite la protection et les conseils d'amis, d'une famille.

 

Allan pousse l'analogie en évoquant la morale traditionnelle européenne dont chaque personnage devient un symbole : Pinocchio l'Innocence, Jiminy la Connaissance, Geppeto la Générosité. Claudia Mitchell et Jacqueline Reid-Walsh, dans la section sur l'impact de Disney sur les jeunes filles de la naissance à l'adolescence, évoquent un « symptôme Pinocchio » avec pour thèmes la croissance, tant physique que morale, et la socialisation durant l'adolescence, illustrée dans le film par la métamorphose des enfants en ânes, symptôme tacitement lié à la morale (inversée) du conte Le vilain petit canard de Hans Christian Anderssen, ce qui rapproche le film du roman d'apprentissage.

 

Pour Auster, le film de Disney enlève — ou du moins réduit, car la scène existe — l'« image capitale du livre » : la scène où Pinocchio, « tel Enée ramenant Anchise sur son dos des ruines de Troie [...] nage dans une mer désolée, coulant presque sous le poids de Geppeto progressant dans la nuit d'un gris bleuté ».

 

Un Disney "sombre", empreint de terreur

Allan estime que la raison première du faible succès de Pinocchio est le côté sombre du film, malgré une indéniable technicité artistique et « laisse encore un malaise quand on le revoit aujourd'hui malgré des critiques dithyrambiques chaque fois qu'il est ressorti ». Il rejoint Finch qui déclare que « Pinocchio n'est pas un film frivole ; au contraire, en dehors de la fin heureuse, il présente la vision la plus sombre de tous les films Disney ». Beck décrit le film comme un « cauchemar noir ponctué de moments de véritable horreur ».

 

Pour Allan, l'aspect cru et didactique du conte de Collodi , est remplacé dans le film de Disney par un aspect grotesque, proche des personnages de Dickens. La principale différence avec le conte original est l'adaptation d'une histoire lumineuse à un monde sombre : alors que l'œuvre de Collodi se déroule toujours à l'extérieur et à la lumière du jour, le film de Disney prend place dans des lieux fermés, souvent la nuit, la seule lumière rayonnante provenant de la magie de la fée. Allan énumère plusieurs scènes-clés plongées dans l'obscurité ou suscitant la claustrophobie : Pinocchio prisonnier de Stromboli, l'apparition de Jiminy un soir d'hiver, la conspiration dans une ruelle embrumée de Grand Coquin et du Cocher, l'Île des plaisirs avec ses lieux sombres et ses cages, l'estomac de Monstro la baleine, le fond de l'océan. Même lorsque Geppeto et Pinocchio s'échappent du ventre du cétacé, le ciel est aussi sombre que l'intérieur du monstre. Pour cette dernière scène Allan précise que l'atmosphère sombre et inquiétante est rendue par des tons sourds et des effets de clair-obscure évoquant Gustave Doré et L'Enfer de Dante en particulier.

 

Wunderlich et Morrissey comparent la version de Yasha Frank et celle de Disney : chez Frank, les conseils et la protection du vulnérable Pinocchio viennent du groupe alors que chez Disney, ce n'est que la famille qui offre ces éléments et le « reste du monde n'est pas coopératif mais plutôt hostile, parasitant, voire à craindre ».

 

Michael Barrier note en plus que d'après les apparences, « Pinocchio a passé une seule nuit dans l'Île aux plaisirs mais lorsqu'il retourne chez Geppetto », des indices dénotent une absence bien plus longue, ainsi « Geppetto a eu le temps d'être avalé par Monstro et de mourir de faim ».

 

Allan fait un parallèle entre l'épilogue de Pinocchio, habituellement un film Disney est associé à une fin heureuse, et Candide le héros naïf de Voltaire : « Pinocchio-Candide ne pourra rester auprès de la chaleur de Geppetto pour toujours. Il doit s'aventurer au loin dans un monde à la fois instable et dangereux ». Pour Allan, « une fois de plus, la noirceur du film l'emporte sur la brièveté du bonheur ».

 

Leonard Maltin va plus loin : alors que les parents pouvaient craindre les cauchemars après la vision de Blanche-Neige et les Sept Nains, ils risquent de vouloir éviter le traumatisme engendré par celle de Pinocchio, qui comprend des scènes parmi les plus terrifiantes de l'animation Disney. Toutefois ces scènes de terreur sont subtiles et utilisent les nuances de l'allégorie de manière incompréhensibles pour les plus jeunes.

 

L'histoire et le personnage de Pinocchio ne sont pas intrinsèquement drôles et il a été difficile pour les animateurs de rendre le film un tant soit peu humoristique. Pourtant Pinocchio est l'un des héros Disney le plus attirant et le plus intéressant, le comique provenant surtout des personnages secondaires et en premier lieu Jiminy Cricket. L'humour autour de Jiminy est lié à l'utilisation de jeux de mots contemporains au film. Le personnage de Geppetto possède aussi un côté humoristique, du moins plutôt comme « désamorceur » de tension tandis que Figaro contribue à donner un humour espiègle. Le personnage muet de Gédéon a été développé spécialement pour le comique avec une forte propension à l'incompétence.

 

À l'opposé, la terreur revient régulièrement et de manière prononcée dans le film. Durant son premier passage chez Stromboli, ce dernier use de cruauté mentale en avertissant Pinocchio « qu'une fois plus vieux, il ferait du bon bois pour son feu ». Après un début haut en couleurs avec de nombreuses enseignes lumineuses, l'atmosphère de l'Île des plaisirs devient oppressante avec la transformation des enfants en ânes et leurs ventes comme bêtes de trait. Dans cette île, les éléments non éclairés ont des « tonalités de couleurs sombres et un aspect délabré », et petit à petit des indices sont donnés au spectateur pour le terrifier.

 

Le premier choc lié à la terreur est pour Maltin, l'âne parlant rencontré dans la rue, suivi par l'ombre du cocher dans une ruelle. L'horreur débute comme un trait d'humour, une fiction qui devient réalité, avec le garçon dans la salle de billard dont les oreilles deviennent celles d'un âne, la musique change elle aussi devenant discordante. Le garçon supplie Pinocchio de le sauver mais la transformation, comme celles d'autres enfants, se poursuit jusqu'à ce que son cri d'appel à l'aide vers sa mère se transforme en un braiment, summum de l'horreur pour William K. Everson, cité par Maltin. John Culhane déclare lui que cette scène dans laquelle le cocher teste les enfants-ânes est le moment le plus troublant du film.

 

D'autres chocs émotionnels liés aux peurs parsèment le film. Maltin évoque aussi la scène de l'engloutissement par Monstro qui comprend une musique intense, des bruits de vagues, de bois qui craque, les cris de désespoirs de Gepetto, mais aussi des images terrifiantes comme les poissons tentant de nager à contre-courant, l'énorme gueule du cétacé, le tout dans un décor lui aussi sombre.

 

À l'opposé quelques scènes sont plus légères, comme :

  • l'atelier de Geppetto « prenant vie » avec les boites à musique ;
  • les débuts dans le monde du spectacle de Pinocchio chez Stromboli ;
  • celle sous-marine, bien qu'irréaliste et empreinte des émotions précédentes, dans laquelle Pinocchio s'émerveille de la grandeur du lieu.

Ce film est aussi l'un des rares où les méchants ne disparaissent pas au sens de « détruits », mais sont simplement « écartés »  ; on ne sait en effet pas ce que deviennent Grand Coquin, Stromboli, le Cocher ou Monstro. Neil Sinyard note que les Silly Symphoniques La danse macabre (1929) et Les cloches de l'enfer (1929) prouvent que Disney pouvait être macabre, sombre et que les scènes cauchemardesques sont régulièrement présentes dans les longs métrages de Disney comme Blanche-Neige (1937), Pinocchio (1940) ou Fantasia (1940).

 

Erreurs et incohérences

Comme à son habitude, David Koenig détaille les erreurs et incohérences persistantes, malgré la qualité du film :

  • Geppetto, malgré sa réputation d'adorable faiseur de jouets montre parfois des traits de caractère peu flatteurs, comme le fait de tourmenter Figaro, de l'obliger à ouvrir la fenêtre à sa place ou de fumer la pipe dans son lit ;
  • Dans la scène où Geppetto se met au lit, la fenêtre est située sur la gauche mais dans les scènes de loin, elle se retrouve à droite ;
  • Grand Coquin s'étonne de voir une marionnette parler et bouger sans ficelles alors qu'il est lui-même un renard anthropomorphe en costume ;
  • La Fée bleue promet de ne plus aider Pinocchio mais c'est elle qui dépose la lettre indiquant le départ de Geppetto, bien que la scène ait été coupée au montage ;
  • Pinocchio respire et parle sans problème sous l'eau lors de son périple sous-marin mais doit recracher de l'eau pour éviter la noyade, lorsqu'il s'échoue sur la plage. Grant explique le premier point (mais pas le second) par le fait qu'il est une marionnette donc non vivante.

Parcs d'attractions

D'après Robin Allan, en raison de l'étude des marionnettes durant son séjour en Europe en 1935, Disney se serait passionné pour les personnages miniatures mécaniques qui donneront des années plus tard les Audio-animatroniques.

 

Lors de la conception de Disneyland au début des années 1950, une attraction basée sur Pinocchio avait été développée sous la forme d'un « River Splash » avec visite de l'intérieur de Monstro et chute depuis sa langue. Pour des raisons financières, elle ne fut pas construite mais l'idée de Monstro fut réappliquée en juin 1956 à l'attraction Canal Boats of the World, rebaptisée Storybook Land Canal. Ce n'est qu'en 1976, avec le projet de rénovation de Fantasyland et celui de Tokyo Disneyland, tous deux ouverts en 1983, qu'un parcours scénique sur Pinocchio a vu le jour, Pinocchio's daring journey.

 

Dans les parcs Disney Pinocchio est aujourd'hui présent sous la forme :

  • d'une attraction intitulée Pinocchio's daring journéey ou Les Voyages de Pinocchio à Disneyland, Parc Disneyland et Tokyo Disneyland ;
  • d'une attraction intitulée Storybook Land Canal à Disneyland, dans laquelle on retrouve la baleine Monstro ;
  • d'un restaurant du Magic Kingdom, Pinocchio Village Haus, servant des pizzas et des macaronis au fromage ;
  • de personnages sortant régulièrement dans les parcs et les parades.

 

Desfile_União_da_Ilha_2014_(906213)

Source: Wikipédia

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Commentaires
M
Bonsoir chère Wolfe,<br /> <br /> <br /> <br /> Je n'aurais jamais imaginé ce film d'animation de Disney aussi complexe. quelle analyse!<br /> <br /> Je ne me souviens pas de tout ça. Quand j'ai vu le film j'étais enfant.<br /> <br /> Gros bisous,<br /> <br /> Mo
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S
Coucou ma Louve,<br /> <br /> un film à aller voir avec les enfants.<br /> <br /> Douce et bisous.
Répondre
F
Re, j'adore Pinocchio, je crois que c'est mon préféré, bisous, fanfan
Répondre
N
hello Wolfe<br /> <br /> petite je l'ai vu bien sûr :) et quand on disait un mensonge notre nez allait s'allonger...<br /> <br /> drôle d'époque victorienne quoique pas mal d'enfants de nos jours on le petit diable en eux ;)<br /> <br /> bisous et bonne journée et au loulou ☺♥
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L
tu donnes envie de revoir ce classique Disney
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