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Le chasseur de loup

Cette nouvelle période est marquée par l'intervention d'un grand chasseur de loup national, le Sieur Martin Denneval d'Alençon, un homme à la stratégie de louvetier bien rodée.

Agé de 60 ans, Martin Denneval est accompagné de son fils, capitaine au régiment d'Alençon, de deux autres chasseurs, et de 6 limiers.

Envoyés par le roi en personne, ils font une halte à Massiac début février où une attaque a eu lieu à la Chapelle Laurent, puis arrivent le 19 février 1765 à Saint Flour. Après quelques jours passés dans cette ville, l'équipe se rend à Saint Chély le 2 mars.

Ce sont des chasseurs de loups réputés, qui totalisent plus de 1 200 trophés à leur tableau, mais ce sont des normands habitués aux plaines, et le relief accidenté du Gévaudan va rapidement les dérouter.

Le premier mars, une fillette de 7 ans, est tuée au Fau de Brion, c'est un accueil macabre pour Denneval.

Le 4 mars 1765, la Bête qui vient de tuer une femme de 40 ans à Ally (très au nord) est repérée quelques heures plus tard, au sud de Saint-Alban. Elle est débusquée, puis encerclée par les chiens et les chasseurs, mais parvient à s'échapper, dommage pour Denneval qui a peut-être frôlé la victoire!

Rapidement, Denneval et ses hommes excluent les battues, à priori, mais par la suite les utiliseront eux aussi, ne sachant plus quoi foire d'autre.

Le 11 mars vers 15h, à Malavieillettes, paroisse de Fontan, la petit Marie Pougnet, âgée de 3 ans, qui jouait dans un hangar est emportée par la Bête; son corps sera retrouvé loin de là affreusement mutilé.

Le lendemain, 12 mars, au crépuscule, la Bête attaque à Saint-Alban une jeune fille de 20 ans près du Château des Morangiès. Celle-ci se défend avec ardeur, et heureusement des secours arrivent.

 

Le courage d'une mère

Un autre récit, sans doute enjolivé, met en exergue la bravoure et le sang froid d'une femme pour défendre ses enfants:

Le 14 mars, Jeanne Jouve, 36 ans, prend le soleil dans son jardin clos de murets de pierres, avec 3 de ses 6 enfants au hammeau de la Bessière près de Saint Alban. Soudain, un bruit de chute de pierre, derrière elle, la fait se retourner. Miséricorde! C'est la Bête qui est là! Déjà elle terrasse la fillette de 9 ans qui tient dans ses bras son petit frère de 18 mois.

La mère se jette sur la Bête, qui surprise, lâche l'enfant. Jeanne lutte héroïquement plusieurs minutes au corps à corps avec la Bête. Dès que l'animal lâche un enfant que lui enlève sa mère, elle s'en prend à l'un des autres.

La mère tape avec une pierre sur le crâne de la Bête, mais celle-ci parvient à fuir en emportant le garçon de 6 ans.

La femme est essouflée et n'arrive plus à se battre.

Heureusement, ses deux grands fils, âgés de 13 et 16 ans arrivent avec les chiens du troupeau.

Ils piquent la Bête de leurs baïonnettes, et finalement, parviennent à la mettre en fuite à grand peine.

Malheureusement, le garçon de 6 ans mourra de ses blessures. Quand à Jeanne Jouve, elle recevra du roi une récompense de 300 livres, pour sa bravoure.

Le 15 mars, la Bête dévore un jeune garçon, à Thoras après l'avoir transporté plusieurs dizaines de mètres, et avoir traversé une rivière.

Denneval se plaint auprès des autorités, de la présense de Duhamel qui effraie la Bête dans ses déplacements avec ses hommes à cheval.

C'est surtout par orgueil (et peut-être pour toucher la prime?) que les Denneval refusent de collaborer avec Duhamel, et qu'ils demandent son départ, en faisant pression à la cour. Martin Denneval connaît bien les loups, lui, il se rend vite compte qu'il y a autre chose dans le comportement de la Bête, et la façon dont elle perpètre ses attaques.

L'Eldorado

Au printemps 1765, attirés par les gains alléchants ( la prime totale atteint 9 400 livres, comme déjà dit) de nombreux aventuriers affluent en Gévaudan à l'image des chercheurs d'or du Klondike canadien du XIXème siècle.

Suite à des informations qui circulent en France, et même au delà des friontières, des aventuriers en provenance de l'Europe entière, en quête de fortune rapide et facile, viennent proposer leurs services.

Certaines imagines des stratagèmes fantaisistes: mannequins empoisonnés, fosses avec des enfants pour l'appât, déguisement de moutons en filles!...

Parfois 20 à 30 km séparent deux attaques; Denneval est droutés, il va devoir se résoudre aux battues, lui qui les avaient tant critiquées vues de l'extérieur.

Le 23 mars la Bête traverse sans ménagement un troupeau de moutons en les jetant à 5 ou 6 pas de part et d'autre, pour se diriger droit sur la bergère qu'elle assaillit. Heureusement, il y avait aussi un berger pour la défendre, et des secours arrivent.

Le 26 mars, lors d'une réunion des Etats Particuliers du Gévaudan, à Mende sous la présence de Monseigneur de Choiseul Beaupré, évêque du diocèse, le Syndic Lafont y prend longuement la parole.

Il rappelle que la Bête, dont la nature exacte est encore pour le moment indéfinie, a déjà tuée 26 personnes et en a blessé plus encore et ce, pour le seul comté du Gévaudan. Il fait l'historique des chasses et échaffaude plusieurs propositions pour tenter d'éradiquer et de détruire ce monstre:

- d'abord, ne pas dissuader les tireurs volontaires, individuels ou en groupes, envoyés par l'évêque et les commissaires du diocèse, venus tenter leur chance chacun à leur manière;

- ensuite, il déplore le proche départ, définitif cette fois, du capitaine Duhamel qu'il estimait et dont il vente les chasses et courses continuelles quel que soit le temps, précise que ces hommes tirèrent sur la Bête à plusieurs occasions;

- Denneval ensuite, ce gentilhomme de Normandie réputé pour ses tableaux de loups tués, arrivé depuis 15 jours avec ses 6 chiens et tous les pouvoirs du roi.

L'assemblée sensible aux propos de Lafont le charge d'écrire aux curés, consuls et notables pour que ces derniers signalent dans les meilleurs délais toute apparition de la Bête auprès de Denneval.

Le 29 mars, un article de journal anglais annonce sarcastiquement que la Bête a mis en déroute une arme de 120 000 hommes, après avoir dévoré 25 000 personnes!

Le même jour, les Denneval s'installent définitement au Malzieu à l'auberge de la Croix-Blanche, bâtiment encore présent de nos jours.

Plusieurs battues restreintes par leur territoire ont déjà été organisées par le louvetier : les 4, 10,13 avril, sans succès.

 

A suivre...

La Bête du Gévaudan, le loup acquitté, enfin